La maison individuelle entourée d’un jardin fait toujours recette. Mieux encore, elle sait évoluer et s’avère très en pointe technologiquement. Patrick Vandromme, président de l’Union des Maisons Françaises, livre son analyse du marché, explique les évolutions recherchées côté acquéreurs mais aussi côté constructeurs.
Construire. Vous avez été élu récemment président de l’Union des Maisons Françaises dans un contexte délicat pour la maison individuelle. Quelle analyse faites-vous aujourd’hui de ce marché ?
Patrick Vandromme. Depuis octobre 2014, la courbe descendante qui existait depuis 2011 s’est inversée et les ventes se redressent sur une bonne partie du territoire. Un redressement dû à la lutte du syndicat que je représente, l’Union des Maisons Françaises, pour redéfinir le Prêt à taux zéro en terme de zones et de montant afin de rendre plus facile l’accession à la propriété. Après des mois de discussions menées par le précédent Président, Christian-Louis Victor, et moi-même, nous avons donc obtenu, pour ce prêt, un repositionnement en zone non tendue, une augmentation de son montant et une prolongation de la durée de l’amortissement. Ce qui signifie un accès au plus grand nombre d’acquéreurs.
On imagine qu’il existe une disparité entre les régions. Pouvez-vous nous détailler la carte géographique ?
P.V. En effet, il existe une disparité entre les régions comme la Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Languedoc-Roussillon et le Sud-Ouest , l’Ile-de-France, le Nord ainsi que l’Est où le marché se reprend. En revanche, le Grand Ouest souffre un peu sachant que les Pays de Loire, la Bretagne et la Normandie avaient affiché une grande vitalité ces dernières années, ce qui peut expliquer son essoufflement. Tout comme la concurrence du marché des maisons anciennes dans des petites villes dans la mesure où les prix ont accusé une sévère baisse et correspondent à une enveloppe budgétaire de jeunes couples prêts à se retrousser les manches pour réaliser eux-mêmes quelques travaux.
Comment expliquez-vous cette appétence à la maison, malgré des variables liées à la conjoncture ?
P.V. Indéniablement, le Français est individualiste dans l’âme. Ce qui se traduit par la recherche d’une maison, loin des règlements de copropriété même si dans les lotissements, il existe certaines règles concernant les parties communes extérieures. Cette maison, on l’imagine avec le constructeur, on la définit dans ses dimensions, ses aménagements, son jardin. Elle est vraiment à soi. Le jardin peut être d’agrément avec des fleurs, mais aussi à vocation potagère par passion ou par nécessité.
La maison reste un espace bien à soi, le plus souvent un cocon familial avec un jardin d'agrément ou un potager utilisé selon les envies de chacun ».
91 000 maisons en diffus ont été vendues en 2014.
Quelles sont les attentes des acquéreurs ?
P.V. La demande a évolué inévitablement. La clientèle se situe entre 30 et 40 ans en majorité et même si elle bénéficie d’aides de l’Etat qui se sont amenuisées, elle recherche une maison qui ne ressemble pas à celle des ses parents ou de ses grands parents. Elle vise surtout une architecture contemporaine avec de grandes baies vitrées pour faire rentrer la lumière, une optimisation des surfaces avec une cuisine à l’américaine, une absence de couloir, deux salles de bains, une toiture plate qui peut servir de terrasse… Prochainement et vraisemblablement, la voiture électrique va s’imposer et aller à l’encontre des reproches faits aux acquéreurs de maisons en banlieue ou à la campagne au niveau de la consommation de CO2 .
Pour construire, il faut un terrain. Comment leur prix évolue ?
P.V. Le terrain est la réelle variable d’ajustement dans l’achat d’une maison neuve. En zone tendue comme l’Ile-de-France ou les périphéries des grandes métropoles, les prix continuent à monter en raison de leur rareté, ce qui conduit les futurs acquéreurs à rechercher un terrain plus petit. En province, dans les villes moyennes de 20 000 à 50 000 habitants, les prix stagnent et baissent dans les petites villes et les villages.
Et le prix des maisons, là aussi, comment évolue-t-il ?
P.V. Le prix des matériaux comme celui de la main d’œuvre a fait preuve de modération depuis trois ans. Ce sont essentiellement les règlementations qui ont gonflé le prix des maisons : de l’ordre de 9 à 10 % pour la RT 2012. S’y ajoute certaines règles liées à l’accessibilité, les risques sismiques qui majorent les prix de 5 %.
Et la COP 21 sur les changements climatiques, un danger ?
P.V. Les constructeurs de maisons individuelles sont technologiquement à la pointe du progrès et depuis longtemps, ce qu’ils ont démontré avec la RT 2005, le BBC et la RT 2012. Actuellement et alors que la demande de maisons neuves repart, avec Cop 21 en fin d’année, avec ce que cela va induire en nouvelles règlementations et donc en nouvelles charges à venir, la reprise du marché risque d’être stoppée.
Vous avez évoqué le marché de l’ancien de la maison individuelle. Est-ce un nouveau créneau pour les constructeurs ?
P.V. Depuis quelques années, nous surveillons ce marché qui est énorme et un formidable gisement de croissance pour nos entreprises. Il correspond à la période des fortes constructions des maisons individuelles des années 70-80. Des maisons qui ont besoin d’être rénovées. C’est donc un marché à conquérir mais il faut que les entreprises puissent suivre. Si les grosses entreprises sont déjà présentes sur ce créneau, les petites structures ont plus de mal, les employés n’étant pas encore formés à des tâches différentes de celles de la construction. Mais cela ne saurait tarder.
Justement, à propos d’évolution du métier de constructeur, quel autre pan du métier voyez-vous émerger ?
PV. En zone périurbaine, nous travaillons en étroite collaboration et très en amont avec les collectivités locales, les bailleurs sociaux… et nous sommes tout à fait à même de répondre à l’aménagement et à l’habitat groupé qui correspondent à des besoins sociaux de logements et à des leviers de croissance pour les constructeurs au même titre que la rénovation.
Vous présidez l’Union des Maisons Françaises depuis mars 2015 à un moment où il va y avoir rapprochement de votre syndicat avec la Fédération française du bâtiment et l’autre syndicat qu’est l’Union des Constructeurs Immobiliers affiliés à la FFB. Qu’en-est-il ?
P.V. L’Union des Maisons Françaises s’est rapprochée depuis un moment de la Fédération Françaises du Bâtiment et son syndicat l’UCI. Au 1 er janvier 2016, cela sera effectif pour former un grand pôle logement. La Fédération française du Bâtiment est le bras armé du logement vis-à-vis des pouvoirs publics. Ensemble, nous aurons davantage de poids. Mais chaque métier qu’est la maison individuelle, la promotion et l’aménagement gardera son propre patron.
Le contrat de construction de maisons individuelles doit inévitablement évoluer mais être seulement toiletter pour mieux coller aux besoins actuels ».
Le CCMI date de 1990 et doit être exigé par tout acquéreur de maison individuelle.
Pour votre mandat en tant que président de l’Union des Maisons Françaises, quelles sont vos priorités ?
P.V. L’UMF souhaite toiletter le constat de construction de la maison individuelle. Celui-ci existe grâce à l’UMF et constitue une formidable avancée de garanties pour les acquéreurs au niveau de prix, de délais… Mais 25 ans après, il faut, sans entacher ses vertus essentielles, l’adapter à notre époque ne serait-ce que par rapport au descriptif technique, aux branchements extérieurs, etc. Nous demandons des mesures de bons sens. A titre d’exemple, l’enduit extérieur hors d’eau est impossible aujourd’hui : si les menuiseries ne sont pas posées, difficile de faire les enduits. Pour le chiffrage des branchements extérieurs, dans la mesure où il existe actuellement diverses régies et donc une concurrence au niveau des prix, là encore, il faut revoir la disposition du contrat.
L’Union des Maisons Françaises organise chaque année, depuis 2001, un « Challenge de la Maison Innovante ». Dans quel but ?
P.V. L’idée de ce Challenge est de réunir constructeurs mais aussi partenaires du bâtiment, de la fourniture d’énergie, de la domotique, du digital… Des partenaires très importants puisqu’ils nous permettent de tester de nouveaux produits et d’évoluer dans notre métier. Ces journées sont donc un faire-valoir de notre métier qui montrent des réalisations déjà effectives ou en voie de l’être. Elles demandent très en amont un investissement sur plusieurs mois du constructeur. Et encore davantage pour le petit constructeur qui ne dispose pas d’une équipe à temps complet pour concourir. Mais c’est une émulation, un défi à relever pour chaque entreprise qui se prête au verdict du concours.
Et la nouveauté pour le prochain Challenge ?
PV. Cela va être le « Concept House » à savoir la maison de demain. Et ce que cela induit au niveau de la réduction des consommations d’énergie, la progression de la domotique et sa facilité d’application, l’arrivée des services intergénérationnels pour que puissent cohabiter parents et enfants étudiants, parents et ascendants… sans se gêner, en gardant son indépendance tout en restant proches pour autant. Une révolution qui est déjà en marche. Certains constructeurs ont déjà fait des propositions et présenté des projets voire des réalisations depuis deux ans. Mais tous ces mouvements vont s’accentuer considérablement dans les prochaines années. Et nous avons donc décidé cette année d’y consacrer une catégorie pour que de multiples constructeurs planchent sur ce sujet et amènent des solutions toujours plus innovantes.
Patrick Vandromme, président de l'UMF
L’Union des maisons Françaises, l’UMF, est un syndicat largement représentatif de la profession de constructeur. Il regroupe 600 marques, soit plus de 55 % du marché de la maison en diffus ou en village. Son rôle est de défendre les constructeurs mais aussi les acquéreurs auprès des pouvoirs publics. L'UMF est présidée par Patrick Vandromme par ailleurs président de Maisons France Confort.
La rédaction vous conseille :
Pouvez-vous nous préciser pourquoi ? (facultatif)